Victor Burgin au Jeu de Paume: l’énigme du “ça”

Philosophe Magazine

Que regarde-t-on quand on regarde une photographie ? « Ça », répond le titre de l’exposition du Jeu de Paume consacrée à Victor Burgin. L’artiste britannique né en 1941 y expose quelques-unes de ses œuvres couvrant cinquante années de montages phototextuels. Interrogeant notre rapport saturé aux images, il nous invite à nous en réemparer.

 

Le piège de la photographie

 

La pratique artistique de Victor Burgin, dite « scripto-visuelle », a de quoi dérouter. En juxtaposant des photographies à des textes, les œuvres présentées entendent déjouer les pièges tendus par des images qui prétendent tout dire. Un exemple : l’œuvre Performative/Narrative (1971) constitue un ensemble de seize triptyques qui font varier une photographie d’un bureau vacant, une courte narration (« Avant d’atteindre la porte, il avait interrompu sa progression jusqu’alors rapide à travers la pièce obscure et examinait désormais un dossier qui était posé sur le bureau. Un an plus tard, son fils était assis à ce même bureau et lisait le contenu de ce même dossier, que sa secrétaire avait découvert dans un tiroir ce matin-là ») ainsi qu’une série d’instructions relatives à la manière de regarder l’ensemble (« 1) Pas votre connaissance du récit précédent – 2) Votre connaissance de la photographie précédente – 3) Pas les critères en fonction desquels vous pourriez décider que des aspects de 1 sont analogues à, corrélés à ou susceptibles d’être placés dans un même contexte que des aspects de 2 – 4) Vos interférences à partir de 1 et de 2 sur la base de 3 »). En se perdant entre la monstration, la narration et l’injonction de l’artiste, la photographie déploie un potentiel insoupçonné.